
Poursuivons l’aventure des 5 AOP d’Auvergne avec le Saint Nectaire Fermier. Il ne faut pas oublier qu’en Auvergne la filière des AOP est un véritable poids lourd de l’économie régionale. La fabrication fromagère fait non seulement vivre le territoire en maintenant une agriculture laitière de montagne mais maintient par la même occasion des milliers d’emplois dans des fromageries à taille humaine.
Un petit mot d’histoire

Le St Nectaire aurait été introduit à la cour de Louis Quatorze par le maréchal de France Henri de Sennecterre. Il a conquis l’aristocratie dès la 2eme moitié du 18eme grâce à l’onctuosité de sa pâte et à son délicat goût de noisette.
Rappel : Le Saint Nectaire est un fromage au lait de vache à pâte pressée non cuite AOC depuis 1955. C’est un fromage circulaire d’environ 1.7kg, 21cm de diamètre et 5cm d’épaisseur il faut 12/13 litres de lait pour fabriquer un Saint Nectaire. Affiné au minimum 28 jours, il a une pâte à texture souple couleur crème et une croute fleurie avec une moisissure blanche jaune ou orangée. Pour la seule production de St Nectaire, on compte 527 producteurs de lait, 235 producteurs fermiers, 5 laiteries, 21 affineurs et un chiffre d’affaires de plus de 100 millions d’euros. A noter que 240 producteurs fabriquent aujourd’hui 6500 tonnes de fromage alors qu’il y a 20 ans ils étaient le double et produisaient 5500 tonnes.
Ici on a compris que c’était un travail valorisant pour un produit reconnu et noble donc on le fabrique le mieux possible. Les prix pratiqués sont de 13/14€ le kilo pour le St nectaire fermier et de 8 à 10€ pour le laitier. Le Saint Nectaire laitier, fabriqué en fromagerie ou coopérative représente 53.3% de la production et le fermier, au lait cru, la vedette du jour 46.7%.

Le Saint nectaire fermier est fabriqué à la ferme deux fois par jour aussitôt après la traite avec du lait cru entier emprésuré issu d’un seul troupeau. Il a une plaque en caséine verte et ovale. Le Saint Nectaire laitier est fabriqué avec du lait pasteurisé recueilli toutes les 48 heures dans les fermes et salé en saumure à la laiterie. Il est identifié par une plaque de caséine verte rectangulaire. Il faut savoir qu’un même producteur peut faire du laitier et du fermier il ne faut pas oublier qu’il fabrique 7jours /7 et 2 fois par jour. C’est souvent le dimanche pour alléger son emploi du temps.
La filière St Nectaire vit bien, tout le foin pour le fourrage est produit sur la zone, les vaches sont principalement des Montbéliardes et il y a de moins en moins de vaches de race Salers car elles donnent 3 fois moins de lait et il faut aussi pour amorcer la traite qu’elles soient avec leur veau ce qui suppose encore d’autres contraintes.
Visite en live chez un producteur de St Nectaire fermier

A la ferme ce sont en général les femmes qui fabriquent, les hommes s’occupent du troupeau et de la traite. Ici nous sommes à 1100m d’altitude à la GAEC La ferme la rose des vents. Les quatre associés ont un troupeau de 80 vaches Montbéliardes. Évelyne et Céline Golfier, mère et fille, fabriquent en direct live du St nectaire fermier, qu’elles pré affine en cave naturelle.
Ici les vaches sont en stabulation libre c’est-à-dire qu’elles ne sont pas attachées, elles ont libre accès à l’étable. Pour les vaches laitières, la stabulation libre a favorisé une plus grande mécanisation de leur alimentation. Ce qui est impressionnant sur tout quand on ne connait pas trop la vie à la ferme c’est que les vaches sont nourries par ordinateur. Elles se dirigent naturellement vers un coin aménagé, l’ordinateur reconnait le numéro de la vache et sait tout sur elle donc la quantité de céréales est distribuée automatiquement en fonction de la quantité et de la qualité du lait qu’elles ont fourni ce jour-là… Les vaches mangent de la bonne herbe, et après on leur donne des compléments et des céréales pour optimiser la qualité de leur lait. Sur les 80 vaches que compte le troupeau seules 70 sont traites, les 10 autres sont au repos car prêtes à vêler. On les tarit, c’est-à-dire qu’on arrête de les traire environ 2 mois avant la naissance de leur veau pour qu’elles se reposent.
La vie du troupeau

A la ferme on gère aussi la reproduction, on regroupe les naissances. 90% de la reproduction à lieu par insémination artificielle. Le taureau est choisi sur catalogue pour obtenir in fine de meilleures femelles… La vache a 3 chances, on fait une échographie et si ça ne marche pas on lui offre un vrai taureau ! En fait une vache doit avoir un veau pour avoir du lait ici c’est un veau par vache et par an …. A la naissance la ferme garde toutes les femelles. Les mâles sont vendus à 15 jours 3 semaines. Les femelles sont nourries de lait pendant 3 semaines puis on leur donne des céréales et de 50kg à la naissance elles passent à 200kg à 6 mois, puis quand elles atteignent 450kg à 2/3 ans elles sont en âge de procréer…
La fabrication du fromage

La cuve dans la fromagerie contient 750 litres de lait. Le lait y arrive directement en cours de traite par des conduits spéciaux, il y est chauffé entre 31 et 33°C puis ensemencé avec la présure. On le laisse reposer 45 min. Le caillé qui a la taille de grains de maïs se forme environ après 12 à 15 minutes selon la qualité du lait utilisé. Il est ensuite travaillé afin d’en extraire le « petit lait » ou lactosérum. À partir de là on pourrait d’ailleurs fabriquer les 5 AOP d’Auvergne. Une cuve, donc chaque traite permet de fabriquer 53 à 54 Saint Nectaire. C’est à ce moment-là que la main de la fromagère est importante pour évaluer la quantité de lactosérum à conserver.
Sur la photo ci dessus de haut en bas et de gauche à droite Évelyne Golfier évacue le lactosérum, évalue le caillé, puis il est prêt à être moulé et 1er moulage dans les moules style moules à faisselle.

sur cette photo : on retourne la tomme, on la change de moule, Céline entoile, pose la plaque verte et ovale de caséine puis sale la tomme avant le pressage final

Le moulage et le pressage : Le fromage obtient sa forme dès son 1er passage dans la mouleuse c’est une tomme on y ajoute alors la plaque ovale et verte de caséine. Il est salé sur ses deux faces puis entoilé, avant d’être mis à nouveau dans un moule cerclé d’inox. Cela va lui permettre de conserver sa forme pendant la période de pressage. L’opération de pressage dure environ 24 heures avec dès les première 12 heures, le retournement du fromage. On appelle le Saint-Nectaire « à pâte pressée » suite à cette opération. Les fromages ainsi reposés seront démoulés puis placés dans le hâloir, une chambre froide ventilée pendant 5 à 8 jours à une température entre 6 et 10°C avant de partir chez l’affineur.

Les St Nectaire quittent alors la ferme pour partir en affinage. ils seront affinés sur clayette pendant 6 semaines et subiront trois opérations : le lavage, le frottage et le retournement.
Rencontre avec Sébastien Guillaume affineur de St Nectaire fermier
L’affineur récupère les fromages une fois par semaine chez le producteur. Il le lave ensuite une fois par semaine à la saumure et ceci pendant 3 semaines, la 4eme semaine les fromages sont frottés et retournés. Ils peuvent être vendus au bout de 28 jours mais selon la demande ils peuvent rester plus longtemps en cave.

Sébastien Guillaume affine dans des caves naturelles sur la commune de Montaigut le Blanc depuis 3 générations soit depuis 1924. Il existe encore 150 caves naturelles dans la région. Les caves naturelles étaient à l’origine destinées à la vigne, il ne faut pas oublier que l’Auvergne était la 3eme région viticole de France en production avant le phylloxéra puis les caves ont été reconverties. Elles sont 6 mètres sous terre orientées nord avec une hydrométrie naturelle à 55% d’humidité. Affiner en cave naturelle c’est en quelque sorte une marque de fabrique. Ici la température se situe entre 8 à 10°, les murs sont en tuf volcanique très friable. La moisissure qui est sur le fromage ressemble à des poils de chats elle est appelée mucor. CF photo ci-dessous.

Il y a 20000 St Nectaire dans la cave. Sous l’action du sel il va passer de la couleur blanche à la couleur orangée. Ils sont frottés à la main pour enlever le mucor qui pompe l’humidité et peut durcir le fromage. La flore de l’air aide à affiner le fromage mieux qu’en cave artificielle. Il n’y a que 3 ou 4 affineurs qui travaillent en cave naturelle. Le rôle de l’affineur est important, il essaie d’orienter le producteur dans le sens du consommateur qui veut des fromages souples, l’affineur est dépendant de la qualité et de la quantité des produits, ce n’est pas un affinage industriel cela reste un travail artisanal et les techniciens de l’AOP sont aussi là pour rectifier la qualité donner des conseils aux producteurs.

L’affinage en cave naturelle est un métier essentiellement masculin, car pénible, autrefois les fromages posés sur de la paille de seigle étaient frottés manuellement, on devait se mettre à genoux dans l’humidité pour les laver les retourner et les frotter. Le lavage fait ressortir les moisissures qui forment la croûte. Heureusement aujourd’hui les claies sont en inox et le travail est moins pénible, mais il ne faut pas oublier qu’il demande du savoir-faire et joue un grand rôle pour la qualité du fromage.

Les différents stades de l’affinage
A suivre Le Salers, Le Cantal et le Bleu d’Auvergne
Tout sur la fourme d’Ambert ici clic et ici
Retrouvez les chroniques France Bleu sur la Fourme d’Ambert, du 10 au 12 octobre 2012, bientôt sur le St Nectaire et à suivre sur les autres AOP Auvergne.
D’autres reportages plus anciens sur Le Salers, le Bleu d’Auvergne, Le Cantal, Le St Nectaire
Enjoy !